Série de 9 encres de chine sur papier (2019-2020)
D’après des oeuvres originales de Philippe Longchamp, Albane Gellé, Alexis Pelletier, Marie Huot, Stéphane Mallarmé, Unica Zürn, Thomas Vinau, Henry Bauchau et Jean-Luc Parant.
Se relier aux auteurs que l’on aime, en posant l’ombre de sa main sur leur texte.
Relier la voix des morts à celle des vivants.
Relier ce qui est séparé pour voir naître un poème.
Cette série s’inscrit dans la tradition du caviardage, héritée du cut-up et rendue célèbre en France par Lucien Suel. Le caviardage permet de poser des questions d’intertextualité et de lien entre le hasard et la contrainte. La présence des mains peintes à l’encre de Chine vient rencontrer la présence des mains dans les poèmes. Les mains sont aussi langage.
Elles sont l’organe privilégié pour se relier. J’aime particulièrement la formule de Paul Celan : « Je ne fais pas de différence entre un poème et une poignée de main ».
La puissance d’évocation de la main comme symbole du lien et de l’affection est sensible dans la correspondance de Mallarmé, comme l’a mis en valeur Martin Melkonian dans son livre Le temps d’une poignée de main (2015), qui répertorie les formules de politesse, le « votre main » étant très courant.
*
(d’après Thomas Vinau)
au bout des mains
une nuée de mondes
cosmos
ciel
au coeur de la forêt
*
(d’après Albane Gellé)
merci merci
ses yeux ses mains
merci merci
je dis merci
tous les mercis
*
(d’après Jean-Luc Parant)
le soleil dans notre main
déborde
le ciel
brûle
sans fin
*
(d’après Marie Huot)
de mes deux mains
je fais un bol pour
rattraper
cette voix
qui traverse ton
abîme
*
(d’après Henry Bauchau)
son visage murmure
mon amour
ce mot
jadis dans la falaise
me donne tant de
confiance
imagine
mes mains
de désir
*
(d’après Unica Zürn)
leur amour écrit
feu
les yeux tremblent
dans la main
de papier
*
(d’après Philippe Longchamp)
les mains
claquent le
chant
écorche
la nuit
le feu
ronge
leurs yeux
*
(d’après Stéphane Mallarmé)
petit corps
côté
mort
une main
un presque fil
vers ciel
*
(d’après Alexis Pelletier)
un rêve
comme un appel
se réveille
se relève dans
l’espace
la main touche
ce voile
de lumière
« Mains se joignent
vers celui qu’on
ne peut presser —
mais qui est —
— qu’un espace
sépare —»